CONTEXTE SOCIODEMOGRAPHIQUE
La République Démocratique du Congo a connu une forte croissance de la population durant les cinquante dernières années.
Ainsi, beaucoup de leçons peuvent être tirées de son analyse sociodémographique en général, et de Kinshasa en particulier.
On peut affirmer avec certitude que Kinshasa est l’une des plus grandes villes d’Afrique Centrale et une des plus grandes villes d’Afrique, après Le Caire et Lagos.
Cependant, la certitude s’estompe lorsqu’il faut avancer des chiffres sur sa population.
Il existe plusieurs sources pour l’estimation de la population actuelle de Kinshasa : les projections établies par l’Institut National de la Statistique (INS) à la suite du recensement de 1984 et les comptages administratifs réalisés annuellement au sein des communes et synthétisés par l’Hôtel de Ville.
Elles n’aboutissent pas aux mêmes conclusions, c’est-à-dire n’aboutissent pas aux mêmes chiffres, et ont l’une et l’autre leurs partisans et leurs détracteurs.
Pour arcbouter notre étude, notre argumentaire se focalise plus sur les chiffres issus des grandes études sociodémographiques (1955, 1967, 1975) et des recensements (1970, 1984) réalisés au pays qui constituent des véritables points d’appuis de l’analyse de la population de Kinshasa.
Les chiffres de 1955, émanent de l’une des premières enquêtes démographiques de grande envergure réalisée par voie d’échantillonnage.
Cette enquête a permis d’apporter des informations qui faisait cruellement défaut et a donc, dans une certaine mesure, assuré la transition entre l’époque coloniale et celle de la RDC.
Cette enquête sociodémographique, ou, si l’on veut, le recensement par échantillonnage de la population du Congo de 1955-1957, occupe une place centrale dans l’histoire de l’évolution de la connaissance démographique du pays, et de Kinshasa en particulier.
2.3.1. Caractéristiques et structure par âge et par sexe de la population de Kinshasa
Le maintien d’un taux de croissance rapide ne peut masquer les transformations profondes qui ont aussi marqué l’histoire démographique de Kinshasa.
Le Père Van Wing (dans L. De Saint Moulin, 2010), relevait, « qu’en 1924, qu’il y avait presque pas d’enfants à Kinshasa ».
A la fin des années 1920 encore, les enfants y représentaient que 8% de la population totale et il y avait plus de 350 hommes pour 100 femmes. Il y a une inversion, à peine croyable aujourd’hui.
La répartition de sa population par groupes d’âges entre 1955 et 2012 dans la figure n°3 ci-dessous, met en évidence la part importante que les jeunes occupent dans cette population.
En 1955, la ville comptait 347.970 habitants et comportait une large majorité d’immigrés (71%).
Les jeunes de moins de 15 ans représentaient environ 39% de la population totale.
Il en résulte une pyramide où le sexe masculin est prédominant et où les classes des jeunes adultes, de 20 à 35 ans, sont pompeuses.
La ville étant en plein expansion, faisant appel à une main-d’oeuvre importante principalement masculine. 56% d’habitants de plus de 20 ans et un rapport de masculinité de 136 hommes pour 100 femmes et 174 hommes pour 100 femmes pour les personnes âgées de plus de 20 ans ( Houyoux J, 1973).
En 1967, douze ans plus tard, Kinshasa comptera 901.520 habitants, une certaine surmasculinité subsiste, mais le profil de la pyramide est régulier et il n’y a pratiquement plus de cassure à l’âge de cinq ans.
Elle présente une population de type progressif à base très large : 62% de la population a moins de 20 ans et la répartition des sexes tend à s’équilibrer puisqu’on trouve 110 hommes pour 100 femmes dans l’ensemble de la population et 124 hommes pour 100 femmes pour les classes d’âge supérieur à 20 ans (Houyoux J, 1973).
Une transformation aussi profonde traduit non seulement une évolution favorable de la natalité et de la mortalité urbaine ; mais aussi une réorganisation des courants migratoires.
Elle suppose que les arrivées en ville ne sont plus seulement le fait de jeunes adultes en quête du travail, mais de familles entières.
Le centre de gravité de la pyramide s’est ainsi déplacé vers le bas.
La ville de 1955 était dominée par les problèmes des adultes appelés « évolués ».
Celle de 1967 est d’avantage préoccupée par ceux de l’encadrement des jeunes, c’est-à-dire de la scolarité et de l’emploi.
En outre, en 1967, par contre, les grands mouvements de population qui ont résulté de l’indépendance ont donné à Kinshasa une population presque équilibrée au niveau des sexes et chaque tranche d’âge et plus nombreuse que celle qui la précède.
La jeunesse de la population est alors extraordinaire : seuls 6,5% des Kinois ont 45 ans ou davantage (L. De Saint Moulin, 2010 :242).
Au recensement de 1984, ce pourcentage était passé à 7,8%.
Mais le taux de natalité restait très élevé (51,5 pour mille) et le seul mouvement naturel assurait un taux d’accroissement de près de 4%, sur un taux global de l’ordre de 5%.
Ce dynamisme démographique ne s’est pas réduit depuis lors.
Il est soutenue par une concentration dans la capitale d’une part considérable des salariés et du contrôle des activités économiques.
La figure n°3 nous permet de visualiser les différentes pyramides des âges de la population de la ville de Kinshasa pendant la période 1955-2007.
Au moment de l’indépendance, la population de Kinshasa était jeune et 20% des adultes n’avaient pas d’épouses (L. De Saint Moulin, 2010).
C’est suite aux mesures administratives prises à partir de 1955 pour freiner l’immigration, due à la récession économique.
Comme conséquence, on arrive à un résultat d’une forte fécondité urbaine et d’une forte immigration, surtout des jeunes en quête d’emplois.
On devait dès lors s’attendre à une montée considérable de la population de femmes à Kinshasa et à un accroissement de taux de natalité, pourtant déjà élevé.
Après l’accession du pays à l’indépendance, le déséquilibre du «sex-ratio» a été rapidement comblé à la suite du relâchement du contrôle des flux migratoires vers le milieu urbain et l’arrivée massive des femmes des travailleurs.
La structure de 1955 (figure n°3) montre l’importance de la population masculine à cette époque.
L’accroissement de la population féminine apparaît clairement dans la structure de 1984 où on constate une surféminité dans les tranches d’âges les plus jeunes, entre 5 et 25 ans.
La tendance à la surféminité de la population kinoise est confirmée également par les structures de 2001 et 2007 avec des proportions de femmes supérieures à celles des hommes jusqu’à l’âge de 35 ans.
Le rajeunissement de la population de Kinshasa en particulier, tel que présenté par les pyramides des âges, a créé d’autres problèmes sociaux et économiques, notamment : une forte demande d’emploi et de logement, une forte dépendance économique due au poids démographiques des inactifs, une forte demande scolaire, etc.
Mais, quelles sont les tendances actuelles de la croissance urbaine de la RDC, en général, et celle de Kinshasa en particulier ? Quelles sont les caractéristiques et les structures de la population par âge et par sexe ?
L’enquête 1-2-3 (2012) de l’INS, nous a permis de répondre à ces questions en faisant observer que la répartition spatiale de la population montre que la RDC est encore un pays majoritairement rural (Tableau n°2).
La répartition par âge de la population présente les caractéristiques classiques des pays en développement, avec une forte prépondérance des jeunes, comme le montre la pyramide des âges.
L’âge moyen de la population est de 21,6 ans, et l’âge médian de cette population est au tour de 16 ans. Les personnes âgées de 60 ans et plus représentent à peine 4,4 % de la population totale.
Globalement, les femmes sont légèrement majoritaires (50,8%).Si les principales caractéristiques démographiques sont similaires dans tous les milieux de résidence, Kinshasa se distingue par une population relativement plus âgée (l’âge médian y est autour de 21 ans), avec une prépondérance des classes d’âge actif : 58,2% des Kinois ont entre 15 et 59 ans.
C’est également à Kinshasa que la proportion de femmes est la plus élevée (52,6%), S’il est largement admis que la structure par âge et par sexe d’une population à un moment donné est déterminée par les niveaux antérieurs de sa fécondité, de sa mortalité et de sa migration, il est tout aussi vrai que celle-ci détermine, d’une part, l’évolution et, d’autre part la situation socio-économique actuelle et future de cette population (Makwala M. & Luyinduladio N., 2011).
La population de Kinshasa a connu un ralentissement du rythme de son rajeunissement, dû essentiellement à la baisse de l’exode rural qui a suivi la récession économique de la décennie 80 et les crises politiques de la décennie 90, même si la fécondité des populations urbaines est restée élevée (Makwala M. & Luyinduladio N., Op.cit).
2.3.2. Evolution de la population de Kinshasa
« L’histoire de la population de Kinshasa peut être retracée avec assez de précision depuis sa création en District urbain de Léopoldville en 1923. Ce District a subi trois légères modifications de limites en 1929, en 1941, lors de sa transformation en ville, en 1951.
Mais il s’agissait davantage de fournir à la ville les terrains dont elle avait besoin pour son extension que de lui incorporer de nouveaux groupes de populations. Le changement de 1951 fait passer la superficie de la ville de 46 à 75 Km2.
Les limites méridionales restèrent approximativement les frontières du Sud de Kintambo, Ngiri-Ngiri et Yolo, En 1954, au moment de la création du territoire suburbain, qui deviendra, en 1957, zone annexe, et sera organisé en commune, en 1968. La ville, comprenant « la cité » et ce nouveau territoire, s’étendait sur 1.977 Km2. En décembre 1968, une nouvelle expansion vers l’Est englobe dans la capitale le secteur de Bateke et la chefferie de Bankana, portant sa superficie à sa dimension actuelle de 9.965 Km2 » (L. De Saint Moulin, 2010 : 218-219).
Après l’indépendance, la RDC n’a connu qu’un seul recensement scientifique en 1984 ; mais la ville de Kinshasa a fait l’objet de deux enquêtes démographiques ayant aussi une haute qualité scientifique, en 1967 et 1975 et d’un recensement administratif particulièrement soigné en 1970.
Ce sont là, les seules sources solides de données sur la population de Kinshasa et même pour tout le pays, après l’indépendance.
Sur cette base, en tenant compte des taux de natalité, de mortalité et d’accroissement général, comprenant les mouvements migratoires, établis sur base des données de recensement de 1984 et de leur évolution historique, et des projections ont été également établies.
Dans le tableau n°3 ci-dessous, qui reprend l’évolution de la population de Kinshasa, les chiffres de 1924 à 1958 sont repris de l’enquête sociodémographique de Kinshasa 1967, p. 157. Pour 1955, les chiffres sont issus de l’enquête démographique 1955-1957 ; pour 1967, ce chiffre est repris de l’Enquête sociodémographique de Kinshasa 1967.
La population de 1970 est issue des résultats officiels du recensement administratif de la population de la RDC publiés par l’arrêté n° 1236 du 31 juillet 1970 du Ministre d’Etat chargé de l’intérieur et dans L. De Saint Moulin, Atlas des collectivités du Zaïre, 1976. La population de 1975 est issue de l’Enquête sociodémographique de J. Houyoux avec l’INS, publiée en 1975, reprend les chiffres de 1967.
Pour 1984, le chiffre est issu de l’INS, Zaïre recensement de la population, juillet 1984, Totaux définitifs, UNTT/CD PROJETS ZAI/83/019 et ZAI/88/P3, 2è trimestre, pp. 17-18. Les chiffres de 2010 et 2012 sont des projections faites par L. De Saint Moulin, 2010 dans Bolia, 2014.
Le chiffre de 400.000 habitantsen 1960 est une estimation sommaire, sans doute quelque peu sous-estimée au moment de l’indépendance.
Comme le note L. De Saint Moulin (2010 : 240) : « les chiffres d’avant 1960 sont assez solidement établis.
Ceux de 1967 et 1975 reposent sur les vastes enquêtes sociodémographiques réalisées par l’INS en 1967 et 1975.
Les chiffres de 1970, reposent sur le premier recensement administratif sérieux d’après l’indépendance.
Ceux de 1984 sont étayés par le recensement scientifique de la population de 1984.
Ce recensement de 1984, est toujours apparu comme la source la plus fiable et la plus complète concernant la population de la RDC.
Les suivants sont les résultats de projections, fondées sur l’analyse des caractéristiques de la population dans les études précédentes». Tandis que « la documentation statistique concernant la population du « Zaïre » depuis 1960 est de valeur très inégale » (L. De Saint Moulin 2010 : 109).
On ne peut les utiliser qu’avec prudence, les chiffres de population et l’interprétation de leur évolution.
La difficulté de la démographie congolaise viens moins de l’absence d’informations que du discernement nécessaire pour distinguer celles qui sont les plus solides, de celles qui doivent être ajustées ou rejetées.
Les travaux se sont heureusement multipliés pour y arriver, mais les ajustements successifs qu’ils entrainent sont aussi une source de difficultés pour les comparaisons.
Néanmoins, nous donnons les raisons qui ont justifiées, le fait que nous retenions les chiffres des grandes dates sus-indiquée, que nous considérons, comme les plus solides des études sociodémographiques et recensements réalisés en RDC.
Néanmoins, nous recourons aussi, aux projections de la population et aux taux de croissance, faites par L. De Saint Moulin et de L’INS, qui sont fondées sur ces bases solides des études démographiques antérieures, sur lesquelles nous appuyons notre étude.
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